lundi 16 décembre 2013

J'aurais aimé rencontrer Razan Zaitouneh

Vieux monsieur de Hama - Syrie- © Nicolas T. Camoisson
J'aurais aimé rencontrer Razan Zaitouneh, cette merveilleuse jeune femme, avocate d'à peine 36 ans, courageuse entre toutes. J'aurais aimé sentir la chaleur de sa voix, sa détermination. Et l'écouter, apprendre d'elle ce qu'est la dignité, la foi en l'homme envers et contre tout. Elle est restée sur sa terre meurtrie, Razan Zaitouneh,   aux côtés de son peuple. Elle s'est battue sans relâche pour faire entendre une voix qui serait du côté de l'humain, du côté du droit, de la justice, de la tolérance. Elle a tenu bon, forçant la lumière dans les couloirs de l'ombre, posant un pas après l'autre, sans renoncer. Jamais. J'aurais aimé éclairer ma voix de la sienne.

Mais ce 10 décembre 2013, des hommes cagoulés sont venus l'enlever.

Tristement, la liste aux contours de terreurs inaudibles se rallonge de son nom. Et celui de Wael Hamade. Et Samera Al-Khalil. Et Nazem Al-Hamadi. Et Feras Al Haj Saleh. Et Paolo Dall'Oglio. Et tous ceux dont je ne sais ni les combats ni les souffrances ni les courages. Tous, oeuvrant pour un monde plus digne. Tous, debout pour une vision de l'humain qui devrait être la nôtre. Et ceux, plus anonymes, qui n'en sont pas moins braves. Tous ceux qui avancent, posant, eux aussi, un pas après l'autre pour que le jour qui vient ne soit pas broyé, saccagé par les hommes vautours. Ces hommes qui ne prennent plus le chemin de l'humain.

Quelle traversée pour tous ces courageux, ces vaillants ? Sur quel chemin d'humiliation, d'insulte, de violence, de torture se trouvent-ils ?

Nous, sur nos rives trop pleines, nous avons perdu les ancrages essentiels. Nous inscrivons des noms sur des plaques aux angles de nos rues. Des noms qui nous rassurent. Stephan Hessel, Mandela... Nous inaugurons des places, décernons des prix, noyons pompeusement nos lâchetés en des cérémonies très officielles. Et nous sombrons de plaisir dans les abîmes de nos certitudes.

Aucune image qui viendrait de nos terres pour les accompagner.
Nous ne savons pas, plus, leur demander pardon, leur dire merci, nous tenir, humbles et fraternels, à leurs côtés.
Eux qui se battent et souffrent avec la grâce de l'humanité vraie.
Eux qui, depuis le fond de l'ombre où on les a piégés, nous illuminent pourtant d'une lumière si intense et si claire.

Mais il y a ce sourire, le regard bienveillant de ce vieil Hamaouite, cet homme de chez eux.
Et ces roses dans ses mains pour leur dire merci.
Merci.

Marion Coudert

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